Essai Alpine Ravage : on a conduit l’A110 la plus folle !

Publié le 05 février 2022 par L’ARGUS Auteur: Mathieu Sentis
Avec ses ailes enflées façon R5 Turbo, ses deux grosses paires de bavettes rouges et son intimidant échappement monté en biais, la Ravage ne donne qu’une envie : la piloter tout autant « en biais », façon Berlinette Groupe 4 de rallye qui l’a précisément inspirée. Cet ovni n’est pas une Alpine A110 classique, pas même une A110 S, encore moins une A110 R, qui ne viendra sans doute jamais. Elle est le fruit d’une histoire de potes, imaginée après un repas arrosé et achevée mieux que par un préparateur aguerri. Une aventure incroyable que nous vous conterons à l’occasion d’un prochain reportage car cette affaire mérite un article complet, voire un livre.

Ivan, joyeux Lyonnais propriétaire de l’unique exemplaire de Ravage, a décanillé à 4 h 00 du mat’ pour nous rejoindre, avalant 453 km sous une pluie battante au volant de ce bijou à carrosserie en alu et fibre de carbone.

Nous voici sur le circuit de La Ferté-Gaucher, sous un crachin si habituel en ce début février. Ivan, joyeux Lyonnais propriétaire de l’unique exemplaire de Ravage, a décanillé à 4 h 00 du mat’ pour nous rejoindre, avalant 453 km sous une pluie battante au volant de ce bijou à carrosserie en alu et fibre de carbone. Loin de conserver sa Ravage sous cloche en attendant l’envolée des prix, le bougre s’en sert tous les jours, par tous temps, à tous endroits. « Après ce reportage, elle repassera en peinture car les stationnements en ville l’ont un peu égratignée », reconnaît-il.



Au programme ? Une nouvelle couche de bleu Pozzi issu directement du catalogue Ferrari (une deuxième passion du bonhomme parmi tant d’autres), aussi chic une fois propre que décourageant pour notre photographe Thomas. Ce « repeignage » imminent réduit au moins notre appréhension à l’heure de prendre le volant sur une piste détrempée… avant d’apprendre le prix de revient du joujou : plus de 100 000 €, sans intégrer les deux ans et demi de travail depuis le premier coup de crayon. On évitera le drift, promis.
Une A110 plus puissante ?
Ici, point de bolidage hasardeux. Le copieux élargissement de la caisse naît de pièces de carrosserie spécifiques (bouclier avant, quatre ailes, partie arrière) dessinées virtuellement sur ordinateur, affinées physiquement sur une maquette en argile à l’échelle 1, puis moulées sous les ordres de Benoît Tallec, designer de métier et grand pote d’Ivan. Les voies s’élargissent à la faveur de jantes sur mesure, alors que l’auto s’abaisse de quelques millimètres via un kit de suspension KW. Le poids plume de l’A110 classique reste stable ici, car le surpoids des jantes larges (façon Gotti d’époque) est compensé tantôt par les pièces en carbone, tantôt par celles restées sur l’établi, le fameux échappement monté en biais ayant supprimé le bouclier et le diffuseur d’origine… De quoi servir parallèlement le refroidissement du petit 1.8 turbo 252 ch.

Hormis ce silencieux en inox qui libère la sonorité (nous y reviendrons !), rien n’a été modifié sur le bloc Renault. À l’image du soin apporté à chaque centimètre carré de carrosserie, Benoît ne pouvait se « contenter d’une simple reprogrammation moteur. Nous préférons aller chercher la puissance par les pièces mécaniques et pas uniquement par l’électronique », explique-t-il. À l’officine Ravage, qui rassemble des membres aux compétences diverses (dont certains bossent toujours chez des constructeurs et ne souhaitent pas apparaître), il est prévu une mise au point minutieuse du châssis, une personnalisation poussée de l’habitacle et une vraie préparation mécanique donc. Le motoriste de la bande est déjà au boulot, mais voyons d’abord si cela est nécessaire.

La disparition du bouclier arrière et du diffuseur aidera à mieux dissiper la chaleur une fois que la Ravage recevra une vraie préparation moteur.

Au volant de la Ravage
Bienvenue à bord de l’Alpine Ravage Modèle Zéro, à l’habitacle étonnamment intact. Les enveloppants baquets Sabelt et l’omniprésent cuir matelassé d’origine siéent parfaitement à cette bestiole mi-chic mi-sauvage, dont le dernier adjectif colle davantage à la sonorité. Intimidante dès le démarrage, elle entretient son râle profond au fil des montées en régime, couvrant la petite voix de crécelle parfois lassante de l’A110 d’origine. Quelle ambiance ! Pichenette sur la palette de droite, le rapport supérieur s’enclenche dans un petit à-coup profitable aux sensations, et la poussée reprend de plus belle, franche et constante jusqu’aux cimes du compte-tours. À croire que le calculateur moteur a déjà reçu sa bonification de fin d’année.
La nouvelle bande-son se repère aussi à la décélération, le fameux silencieux en inox amplifiant parallèlement les pétarades à l’échappement en modes Sport et Track. Une ambiance course qui se prolonge au premier gros freinage. Impulsé d’un subtil déploiement d’orteils (ah, la magie du poids plume…), notre ralentissement musclé ne provoque plus la petite plongée du nez caractéristique de l’A110 Première Edition. Même constat au braquage, où la Ravage vire d’un bloc, élevant son agilité au rang d’art majeur. L’Alpine de base n’avait pourtant jamais semblé pataude…

Certainement redoutables sur piste sèche, les réglages spécifiques de la Ravage (suspension affermie, voies et pneus élargis) dégradent simplement la facilité de conduite sur ce tracé sinueux et glissant. Les pertes d’adhérence arrivent un peu plus brutalement à l’accélération et/ou au freinage en appui, alors que les jolies dérives se montrent un rien plus compliquées à entretenir. On l’avoue : nous n’avons pu nous empêcher de conduire par les portières, par simple conscience professionnelle évidemment. D‘après Benoît, les longues-portées Cibié sont implantées en biais pour éclairer la route quand l’auto est en travers ! Comment ça, il ne faisait pas encore nuit ?
Bilan de l’essai Ravage Modèle Zéro
De nobles inspirations, une conception minutieuse, une réalisation affriolante, ou la preuve que nos artisans français méritent leur place dans l’univers de la préparation automobile haut de gamme. En combinant leurs compétences, les sorciers passionnés de Ravage ont enfanté un petit bijou à quatre roues aussi joyeux à regarder qu’à conduire. De quoi attendre la suite avec impatience (personnalisation intérieure, préparations mécaniques, nouveaux exemplaires) et confirmer que l’entité, née d’un délire entre potes, mériterait l’aval d’un grand constructeur. Et si Ravage devenait pour Alpine ce qu’AMG est aujourd’hui pour Mercedes ? Rêver n’a jamais tué personne. La preuve : Ravage a bel et bien pris vie.
